Après avoir pratiqué intensément le télétravail pendant quelques années, puis être passé à pas de télétravail du tout pendant deux ans, et finalement être retourné à 100% distant avec la pandémie, j’en retire quelques points importants.
100% ce n’est pas bon
A temps plein en télétravail, le lien est plus dur à établir et à maintenir. Le travail d’équipe est basé sur la confiance, et comment établir ça à distance ? Les Humains ne sont pas équipés à priori.
Sauf probablement les plus affûtés dans les nouvelles technologies, habitués depuis longtemps (ou depuis toujours) à avoir des contacts virtuels par email d’abord, puis par téléphone.
Donc même si cela pourrait être adapté à une certaine partie de la population, 100% à distance couperait une importante partie des équipes, celle avec le plus d’expérience et le plus à transmettre.
Dans certaines équipes, il y a également une habitude de discussions impromptues. Une version online de la pause café est possible, cependant dans le silo de l’équipe, pas avec les autres. Pas possible de croiser untel qui indique quelque chose d’important en attendant que la machine ait sorti le café.
Pour les nouveaux embauchés c’est impossible de s’intégrer si leur parcours n’a pas été mûrement réfléchit et prévu à distance, avec un calendrier et des échanges importants. Toute la partie intangible de la culture d’entreprise, que l’on voit au quotidien, est coupée.
Quel pourrait être le bon ratio pour une entreprise Française traditionnelle ? 2 jours sur 5, probablement. Jusqu’à 3 jours en fonction du travail et de la distance du domicile.
Le problème c’est les autres
En fait, c’est la communication avec les autres qui change et pour laquelle tout le monde doit s’adapter.
Dans les grands groupes, le télétravail est la norme. Les équipes sont sur la planète entière, et les déplacements sont interdits (ou tellement limités que c’est pareil). Donc pas question de se rencontrer, et les habitudes pour établir les relations sont donc différentes. La norme est au contact virtuel, d’abord par email puis par conférence. Téléphonique seulement, la conférence, car la bande passante du VPN est limitée, donc pas de visio et on ne sait pas la tête qu’on les autres.
Plutôt difficile d’établir la confiance dans ces conditions là ? Pas forcément.
Tout le monde est logé à la même enseigne. Impossible de faire une réunion physique, que ce soit volontaire (je choisis le télétravail pour éviter 2 heures de route) ou subi (les autres ne sont pas sur le site). Donc on s’adapte, on appelle, on passe un peu plus de temps au téléphone.
Lorsqu’on est dans une plus petite entreprise, les fameuses ETI (250 à 5000 employés) qui génèrent la majorité des emplois, la question est encore plus délicate. Pendant des années les dirigeants de ces entreprises ont vu d’un mauvais œil cette pratique du télétravail.
La mise en place du télétravail doit passer par un changement de culture d’entreprise. C’est bien plus compliqué du coup, et le télétravail n’est que la partie émergée de l’iceberg. Il faut revoir les façons de travailler des managers, les relations qui deviennent asynchrones. Les gens qui ne sont pas sur place travaillent peut-être. C’est un séisme.
Ce n’est pas la fin
Le télétravail n’est pas une fin en soi. C’est juste une autre organisation, professionnelle et personnelle. C’est comme un langage de programmation, le choix est large, mais c’est ce qu’on veut en faire qui importe. Pourquoi autoriser (ou interdire) le télétravail ? C’est un choix d’entreprise, un de ceux qui a une influence majeure sur les ressources humaines.
Vous voulez des employés motivés, autonomes et innovants tout en faisant baisser le présentéisme ? Essayez le télétravail.
Photo Joseph Gruenthal